Friday, February 8, 2008

Blanc bonnet, bonnet noir ?

Excuse me while I blab on in French, but a good friend of mine in Paris asked me to tell him about "Obama and Clinton." I thought that others might be interested, so here's my open letter to my friend.

Mon cher Michel,

Tu me demandes ce que je pense de Barack Obama et d'Hillary Clinton, car depuis la France vous ne comprenez guère ni les enjeux ni les différences entre les deux candidats.

L'enjeu n'est clair que sur un point, qui est de remplacer l'incompétente marionette qui occupe actuellement la Maison Blanche par un président démocrate qui pourra commencer à redresser la barre. Et je dis bien commencer, car contrairement à la légende herculéenne, nettoyer ces écuries d'Augias-là ne se fera pas en un jour.

Cela ne veut pas dire que les démocrates ont la clé de la porte de sortie en Irak. Personne ne l'a, du moins tant que l'on ne veut pas admettre que ce pays n'est pas viable en tant que tel, que c'est la Yougoslavie du Moyen-Orient et qu'il vaut mieux une partition honorable qu'une guerre civile prolongée, et cela même si un sud chiite se joint, de droit ou de fait, à l'Iran, et si un nord-est kurde attise des velléités séparatistes de leurs frères turcs ou iraniens. Mais je digresse.

Mais même si sur ce terrain tout le monde, de quelque bord qu'il soit, aura les mains plus ou moins liées de la même manière par les conneries de la troika Cheney/Rice/Rumsfeld, d'autres sujets sont toujours traités de manière sensiblement différente par les démocrates et les républicains, et cela se résume au rôle accordé au gouvernement dans la vie publique : les démocrates penchent pour que le gouvernement intervienne pour assurer un certain "contrat social" concernant l'éducation, la santé, etc., alors que les républicains sont en principe pour un gouvernement central réduit... ce qui en pratique les amène à laisser tomber ceux qui auraient le plus besoin d'aide. En revanche, ce même parti cesse totalement d'être minimaliste quand il s'agit d'imposer une uniformité morale et confessionnelle au pays : c'est le parti favorisant un "moment de prière" dans les écoles, le parti proposant un amendement constitutionnel déclarant qu'"un mariage est un lien sacré entre un homme et une femme", etc. Dès qu'il est question de morale chrétienne (essentiellement protestante), les républicains ne sont plus du tout libertaires, et se complaisent assez à venir voir ce que nous faisons dans nos chambres, et cela malgré les frasques de certains de leurs sénateurs dans les toilettes pour hommes des aéroports (cherche "Larry Craig" sur Google ou Wikipedia si tu ne comprends pas l'allusion) !

Bon, mais tu ne m'as pas demandé de dire pourquoi je vais voter démocrate, je pense que tu me faisais assez confiance pour cela. Donc, revenons à nos moutons.

Clinton et Obama représentent tous les deux une rupture significative avec le passé, puisqu'il s'agit d'une femme et d'un noir. Mais Clinton est évidemment marquée comme étant la femme de l'avant-dernier président. Cela a deux implications contradictoires. Pour certains, c'est l'assurance de son expérience supérieure, de son accès aux conseils de son mari (qui est maintenant respecté comme ayant été un très bon président, malgré son utilisation peu orthodoxe du cigare et, pardonne le jeu de mots, de la pipe), de la facilité avec laquelle elle pourra assembler un gouvernement ultra-compétent, etc. Pour d'autres, c'est la promesse d'une alternance Bush-Clinton-Bush-Clinton qui fait que seules deux familles se seront partagées la charge suprême de 1988 à 2012 ou 2016, ce qui est aux antipodes du changement espéré.

Obama, de ce point de vue, peut presque se targuer de son inexpérience. Et pourtant il essaie un peu maladroitement de répondre à cet aspect critiqué de sa candidature, en disant par exemple qu'il comprend la politique internationale parce qu'il a été à l'école à l'étranger ! C'est un peu faible.

Obama se présente comme plus crédible pour le retrait des troupes d'Irak que Clinton, parce qu'elle avait voté pour donner à Bush le pouvoir de lancer l'opération militaire de 2003. Là, Clinton joue mal : au lieu de dire, "on nous avait menti, et comme beaucoup d'autres j'ai voté pour ces pouvoirs parce que cela aurait été la bonne décision si les informations que nous avions reçues avaient en fait été correctes, et si j'avais su que c'était faux je n'aurais pas voté pareil," elle a voulu éviter le faux pas de Kerry en 2004 ; mais du coup, elle s'est enferrée dans une défense au moins aussi maladroite que lui de ce vote.

Mais il est clair aujourd'hui qu'Obama, tout en s'en défendant, profite du fait qu'il est investi par la communauté noire d'un grand espoir, qui a son importance vu l'histoire du pays : l'espoir de mettre enfin réellement l'ère du racisme et de la ségrégation au placard en élisant un président noir. Et cela, malgré le libéralisme des Clinton à ce sujet (entre autres), c'est un argument imparable dans sa symbolique dans un pays qui n'a pas réussi à se débarrasser complètement de ce spectre depuis la Déclaration d'Emancipation promulguée par Lincoln en 1863.

Conclusion ? Il n'y en a pas encore. Pour moi, les deux candidats sont valables, représentent un espoir et un changement, et seront certainement sensiblement meilleurs que le régime actuel. Il est intéressant que l'électorat démocrate soit aussi partagé qu'il l'est après qu'une trentaine de primaires (sur 50) aient eu lieu. Il est donc possible qu'il faille attendre la convention démocrate cet été pour qu'une décision soit prise. Ce qui exclut complètement un "ticket" Clinton + Obama, car ils se seront trop heurtés d'ici là pour pouvoir travailler ensemble ensuite avec crédibilité.

Reste le problème de l'éligibilité. Ce qui me frappe pour le moment, c'est que les électeurs des primaires semblent plus spontanés que calculateurs : ils votent pour Clinton ou pour Obama (ou, avant qu'il ne se retire, pour Edwards) plus parce qu'ils aiment réellement leur candidat que parce qu'ils pensent que c'est le plus susceptible de gagner contre leur opposant de novembre (qui semble aujourd'hui devoir être l'antique mais crédible John McCain).

Or chacun des deux, Clinton et Obama, entrerait en lice pour novembre avec un lourd handicap. Pour Clinton, le fait d'être une femme n'est peut-être pas très grave -- les hommes susceptibles d'être le plus misogynes voteront probablement républicain de toute manière. Par contre, sa candidature provoquera une levée de boucliers des forces religieuses qui la considèrent comme le diable incarné à cause de ses positions sociales, et elle ne s'est pas fait que des amis, même dans son parti, par son attitude arrogante pendant les premiers mois du mandat de son mari, alors qu'elle essayait de faire passer un programme ambitieux de réforme du système de santé en n'étant investie d'aucun mandat, étant simplement chargée par son mari d'un "groupe de travail" (task force) sur la question. Les blessures d'amour-propre ne sont pas encore toutes refermées...

Quant à Obama, pas besoin de faire un dessin pour comprendre son handicap. Il suffirait d'une petite proportion de démocrates racistes dans certains états pour lui faire perdre ces états, même si les démocrates y sont en majorité, et ce serait assez pour lui faire perdre l'élection. Mais personne ne veut dire à haute voix "ne choisissons pas Obama parce qu'étant noir, il n'est pas éligible". C'est ce que l'on murmure aujourd'hui dans les chaumières, mais personne ne le dit publiquement de peur de se faire accuser d'être soit raciste, soit manipulateur clintonien.

Devant ce dilemme, que j'ai voulu résumer par le titre
choisi pour ce blog, "blanc bonnet, bonnet noir", les électeurs démocrates qui votent aux primaires ont une lourde responsabilité : de leur choix (et de tous les impondérables qui peuvent se présenter dans les neuf mois restants) dépend le fait que le changement arrive ou non en novembre.

Affaire à suivre. Ce qui est certain, c'est que la campagne actuelle est plus intéressante qu'on ne le soupçonnait il y a encore quelques mois, quand on parlait d'"Hillary l'incontournable".

Mon cher Michel, j'espère ne pas t'avoir trop ennuyé du haut de mon perchoir électronique, et dis-moi si je t'ai un peu éclairé ou si j'ai semé une confusion encore pire.

Claude

1 comment:

Unknown said...

Merci pour ce billet qui permet d'y voir plus clair dans ce contraste démocrate.

J'en profite pour proposer cette note de bas de page sur Larry Craig:
http://en.wikipedia.org/wiki/Larry_Craig

Et je te souhaite (honteusement en retard) une très bonne année "too sauce zen heat" !

PS : i've just finished reading the book: "A Year in the Merde". If it's not already in your private library, i warmly recommand you get it asap!

Vincent